ïkiryu Corbeil- Essonnes, cours d'aïkido à Corbeil-Essonnes
Notre pratique de l'aïkido est fortement inspirée de celle étudiée auprès de Charles Abelé et pour la réflexion par celle proposée par André Cognard.
Ce qui est important, c'est le chemin, être constamment en état de transformation.
Charles Abelé
L'aïkido, tel que nous l'entendons et souhaitons le développer, correspond à celui décrit dans le texte ci-dessous...
La pratique de l'aikido de Kobayashi Hirokazu (1929-1998)
élève du fondateur Ueshiba Morihei (1883-1969)1 implique
une utilisation du corps qui va bien au-delà du simple contrôle de celui-ci
par la volonté ou le développement de réflexes. Le fondateur Ueshiba
Morihei avait conçu ses techniques par analogie avec les mouvements
de la nature, en particulier en observant l'eau 2.
Selon sa conception du mouvement, ce dernier doit suivre une spirale
d'énergie (meguri 3) qui s'exprime autour du centre
d'énergie vitale (seika tanden 4). Il utilise les forces
centrifuges et centripètes, et la vitesse qu'elles produisent pour la
mise en déséquilibre de l'attaquant, associées à un système de torsion,
de rotation ou d'hyperextension des articulations du corps de celui-ci
qu'un déplacement d'esquive approprié à permis de saisir tout en évitant
son attaque. Il développe une idée d'harmonie et d'esthétique universelle
qui fait largement appel au fond de la culture japonaise (shochikubai
5, wabisabi 6) et à une conception
mystique du monde inspirée plus particulièrement par la doctrine d'Omotokyo
7, laquelle avait tardivement évolué vers une idéologie
pacifique après bien des tribulations. La non-violence de cet aikido
résidait dans le fait de ne pas s'opposer physiquement à la force de
l'attaque mais de la détourner pour la conduire à un point où l'attaquant
était dominé par la conjonction du savoir-faire technique, de la souplesse,
de l'esprit de non résistance et de l'unité avec le monde. Cette dernière
notion renvoyait à une attitude de la conscience psychique que Ueshiba
Morihei décrivit de manière assez évasive comme une capacité de s'unir
avec la totalité universelle, faculté qu'il aurait développée par son
entraînement et sa prière. En ce qui concerne la prière, il chantait
quotidiennement les norito 8, faisait des ablutions
purificatoires mais il incluait aussi dans sa pratique des gestes rituels
tirés des pratiques d'Omotokyo et du shinto. ( Misogi 9).
Il développa deux idées très intéressantes dans le contexte martial.
— Le conflit est créateur.
— La seule victoire juste, c'est celle qui ne fait pas de vaincu.
Le conflit est créateur, cela signifie qu'il n'est pas seulement le
fait de l'attaquant et qu'il existe une altérité au conflit, sa résolution
sans violence permettant de la définir et de l'exprimer. Ceci bien sûr
nous introduit alors à la compassion pour l'autre, qui de ce fait ne
peut plus être l'auteur exclusif de sa violence. D'où, l'idée de victoire
sans vaincu.
Ueshiba Morihei fait appel à trois types de notions pour parvenir au
contrôle de l'adversaire:
— Le corps doit être entraîné et consolidé par des pratiques spécifiques
— L'esprit doit être ouvert à une conception de soi et du monde
par la pratique religieuse et une gestuelle ritualisée, propice au développement
de la compassion. (influence bouddhiste ? 10)
— La conscience doit s'appliquer à faire faire au corps les mouvements
justes, c'est à dire ceux qui suivant l'observation de la nature, ne
sont pas porteurs d'une violence propre à l'humain.
Cela consistait à dire que si l'on écartait l'intention d'être violent,
et que l'on ne manifesta pas l'opposition en tant que telle, on évoluait
nécessairement vers la non-violence. D'ailleurs, la mise à mort rituelle
que constituait chaque projection ou immobilisation était justifiée
par l'argumentation suivante : l'adversaire qui est terrassé perçoit
l'inutilité de son agression et renonce à la répéter. Il exprime ce
renoncement par le fait de frapper le tatami 11 en
signe de reddition ou en acceptant d'effectuer une chute qui exprime
sa défaite. Il était dit également qu'à défaut d'une telle attitude,
il se blesserait lui-même puisque l'aikidoka ne relâcherait pas son
emprise, attendu qu'elle était juste puisque fondée sur une intention
de ne pas s'opposer.
L'alliance avec les forces de la nature constituerait-elle une preuve
de ce que l'action conduite est juste ?
L'aikidoka serait-il supposé s'inscrire dans un mouvement de développement
ontologique du monde alors que l'adversaire s'y opposerait inconsciemment
?
Je vois là une contradiction évidente avec la thématique du conflit
créateur. Le conflit, qui est l'outil de la nature par excellence, nécessite
une adversité.
Pourtant, cette doctrine semble, encore aujourd'hui, satisfaire la majorité
des pratiquants et Ueshiba Morihei est célébré dans le monde entier
comme un grand initié, pacificateur des budo.
Ses
idées sont parfois reprises par les pratiquants d'autres arts martiaux,
et personne ne se demande quelle différence cela fait d'imposer sa victoire
pacifique, et à travers elle, sa vérité sur le monde, plutôt qu'une
victoire guerrière telle que les arts martiaux traditionnels la conçoivent.
Nul ne semble ressentir que la mise à mort rituelle est aussi une violence
morale et qu'imposer ses vues, seraient-elles les plus justes, est une
violence primordiale car il s'agit d'un déni de la vérité de l'autre.
A travers le déni de son droit à dire sa réalité, c'est l'être qui est
dénié en tant que sujet. Et le déni d'identité est à l'origine de toutes
les guerres et de toutes les violences. Il n'est pas dans mon propos
de dire que Ueshiba Morihei n'était pas sincère dans sa démarche non-violente
et dans sa compassion, mais qu'il n'a pas atteint son but par sa pratique
martiale. Le récit de son satori ou plutôt, de sa prise de conscience,
12 est explicite à ce sujet. Son illumination, il
l'obtient par la prière, par sa pratique d'Omotokyo et non par l'aikido.
Kobayashi Hirokazu est conscient de ce décalage entre les idées et les
gestes de l'aikido. Il fait un apport considérable à cette pratique,
tant du point de vue idéologique que du point de vue technique.
D'une part, il conçoit que le meguri est interne, et qu'il doit avoir
lieu avant le contact physique, ce qui transforme les techniques. L'amplitude
des déplacements de pieds peut diminuer, la stabilité est assurée par
la tenue du centre en mouvement, quelle que soit l'action puisque cette
dernière ne nécessite pas d'extériorisation de la force. Cette découverte
autorise le maintien d'une posture parfaitement droite et rompt avec
une tradition guerrière de la stabilité par l'abaissement du bassin,
et la fixité. L'aikidoka 13 est un homme droit, et
sa rectitude n'est pas due à la conviction de détenir une idée de la
justice, mais à un devoir être fondé sur une éthique nouvelle dont une
des sources est : « uke soku seme, seme soku uke 14».
Les protagonistes sont égaux dans la relation conflictuelle qui les
unit. Ils sont indissociables, et la violence est de part et d'autre,
le sentiment de raison juste aussi, et la vérité qui se libère de leur
interaction appartient au monde. Nul n'en est l'auteur, ils en sont
ensemble les interprètes. D'autre part, il émet l'idée que la compassion
doit être exprimée comme le rituel guerrier. En effet, il ne conteste
pas l'efficacité du rituel martial sur l'évolution des consciences,
mais il estime nécessaire que l'aboutissement du rituel ne soit plus
la mise à mort symbolique, expression d'une violence déguisée, mais
un geste d'amour susceptible d'illustrer le propos de Ueshiba Morihei
: « la vraie force du budo, c'est l'amour ».
Il existe autour des arts martiaux une tradition de médecine énergétique,
généralement désignée par le terme kappo seppo 15,
largement inspirée par l'expérience de la médecine chinoise, et l'aikido
ne fait pas exception. Takeda Sokaku, qui fut un des maîtres de Ueshiba
Morihei, enseignait l'aïkishintaiso, source principale du kihon d'aikitaiso
16. Kobayashi Hirokazu ajoute une expérience personnelle
de ces pratiques due à sa rencontre avec le maître de kappo seppo Sumida.
Ses succès en tant que thérapeute des sumotori 17
et des joueurs de base-ball lui donne autorité en la matière. Il enseigne
à Kobayashi Hirokazu le savoir nécessaire pour transformer toute action
d'aikido en technique de santé. Cela est facilité par le fait que le
kappo seppo conçoit tous les points mortels comme des points de guérison,
et qu'il inclut la pratique de cinorthèses et de massages thérapeutiques
qui suivent les mouvements naturels des unités fonctionnelles anatomiques.
En fait, cela corrobore les idées de Kobayashi Hirokazu sur le fait
que les meguri sont d'abord internes. Il découvre leur existence naturelle
dans les chaînes musculaires et articulaires. Désormais, les meguri
suivront ces entités anatomiques qui sont les voies de l'énergie, et
s'extérioriseront directement dans le corps de l'uke, sans être visibles
en dehors, ce qui fera dire à des observateurs peu avertis que ce maître
ne bouge pas, qu'il projette ses partenaires sans se déplacer. Ainsi,
toute technique d'aikido sera une action de santé pour celui sur qui
elle s'applique. Observer l'organisation du corps permet de découvrir
un système dont la prise de conscience nous impose une manière d'agir
physiquement. Les répercussions de celle-ci sur nos comportements sont
indubitables : le respect de l'intégrité physique et physiologique de
l'autre nous est possible et n'altère en rien ni la puissance, ni la
vitesse, ni l'efficacité de la technique. Au contraire, ces qualités
s'accroissent et l'efficacité est double, puisque l'objectif de santé
est atteint.
Kobayashi Hirokazu fait alors une autre découverte importante. Faire,
c'est subir et subir, c'est faire. C'est une nouvelle étape dans la
compréhension de uke soku seme. En effet, la pratique montre que le
meguri est d'autant plus efficace que l'exécutant s'applique à suivre
lui-même les voies tracées par les techniques d'aikido. Pour faire un
nikyo 18, on se fait à soi-même un kote gaeshi 19
et ainsi de toutes les techniques. L'aikidoka comprend alors qu'il est
nécessaire de s'ouvrir pour permettre à l'autre sa propre ouverture
à la relation. Kobayashi Hirokazu l'exprime dans ses cours en disant
: « Il faut d'abord donner, donner toujours, et puis recevoir ». Désormais,
la posture est consciemment impliquée dans l'expression de la rectitude
morale : les poignets ne doivent plus être tendus en position défensive
comme dans la technique dont l'aikido s'inspirait largement, Daitoryu
aikijutsu. Il n'y a plus de garde, ni avec les mains ni avec les armes
car chacun est conscient de ce que l'adversaire n'est pas en face de
soi. Il existe une adversité commune qu'il convient de combattre ensemble
par le rituel de la relation martiale dont le but est la santé. Les
gestes doivent répondre à la double obligation suivante : se rendre
à la nécessité martiale, autrement dit, respecter l'esprit du budo 20tout
en se conformant aux lois d'énergie interne, dont l'organisation anatomique
est le reflet. Cette stricte observance est garante du respect de l'intégrité
de l'autre, tant physique que morale. Kobayashi Hirokazu dit alors :
« Si vous pouvez exécuter une technique sans être droit, abandonnez
là ! Si vous parvenez à vos fins en utilisant la force, cela est sans
intérêt, laissez ! ». La posture a non seulement une fonction esthétique
mais éthique, la non-force impliquant la rectitude du corps.
La
recherche de la double victoire, celle qui ne fait pas de vaincu telle
que l'avait sentie Ueshiba Morihei, a abouti mais Kobayashi Hirokazu
veut encore explorer une direction qu'évoquait l'enseignement de son
maître. « denko sekai no ijo » « au dessus du monde de la lumière ».
En effet, dans le contexte du taïjutsu 21, la relation
peut être conforme aux règles éthiques et aboutir à la double victoire.
Kobayashi Hirokazu l'a d'ailleurs démontré en développant à nouveau
et considérablement le kaeshi-waza 22. Mais devant
un nombre d'attaquants plus importants, et qui plus est, armés, d'autres
difficultés apparaissent. La vitesse des sabres, et la linéarité des
actions d'attaque offrent peu de prise au meguri interne. Les règles
classiques concernant la définition de l'espace autour d'une ligne passant
par les centres des protagonistes et les pointes des sabres 23
ne permettent pas autre chose qu'une succession d'actions de défense
alors que les attaques sont simultanées. Ueshiba Morihei avait manifestement
résolu ce problème technique sans véritablement transmettre une stratégie
explicite, en dehors des considérations d'ordre mystique liées à l'état
d'esprit qu'il exprimait par : « Je suis au centre de l'univers ». Kobayashi
Hirokazu trouve sa réponse dans une expression qu'il avait entendue
souvent dans la bouche de son maître :« mushi suru » « ignorer ». C'est
la dernière découverte importante qui permettra de résoudre les problèmes
que pose cette situation d'attaques multiples et d'obligation éthique.
Le kensen est multiple comme les causes de la violence sont toujours
multiples. Tous les kensen sont circulaires et se rejoignent dans une
ligne qui passe par le centre de l'attaqué. L'espace interactif est
un ensemble de lignes sinusoïdales qui s'entrecoupent, créant des demi-ellipses.
L'attaqué connaît et lui seul, l'espace qu'elles déterminent puisqu'elles
naissent de son centre. Ce n'est plus l'espace du corps mais l'espace
de la relation qui fait le meguri. Outre cette circularité de l'espace,
et les révolutions ellipsoïdes que les esquives provoquent autour des
grands axes 24, un autre outil est nécessaire à la
maîtrise d'une telle situation. Les yeux ne doivent plus intervenir
dans l'action. Le regard est éloigné vers un espace beaucoup plus vaste
que l'espace conflictuel, auquel se réfèrent les attaquants, plus vaste
aussi que l'espace interactif dans lequel l'attaqué inscrit son action.
Il visualise un espace sans limite qui inclut la totalité de la relation,
et crée une extériorité à celle-ci. Il ne revient à l'intérieur de l'espace
relationnel que lorsque l'action est finie. On élimine ainsi le vieux
réflexe qui consiste à défendre l'espace dans lequel on se trouve, et
du coup, on prend conscience de la confusion habituelle entre l'espace
externe et l'espace interne du corps qui est à l'origine de ce réflexe.
On perçoit ainsi que l'espace conflictuel est un fragment de l'espace
en général. Tous les conflits sont d'abord des conflits de territoires,
terrestres, émotionnels ou conceptuels. Ils expriment une seule et même
chose, la dysharmonie entre l'esprit et «la chose à vivre ».
La mobilité physique que l'on gagne à libérer l'action du regard est
telle que l'on peut utiliser son corps dans des directions diverses
en même temps. Le geste devient multiple comme la conscience dont l'unité
est faite par la connaissance qu'elle a de sa division. On saisit à
travers cette prise de conscience de sa liberté d'action que les règles
habituelles concernant la spatiotemporalité sont liées à un cadre de
référence précis dont on peut sortir. Le regard qui est libéré de la
conduite de l'acte voit la conscience car en même temps qu'il s'éloigne,
il s'intériorise.
On comprend enfin qu'il existe un espace intérieur où la conscience
ne souffre d'aucune division précisément parce que ladite conscience
n'a plus besoin de se représenter donc de se localiser pour être. L'être
est inattaquable, car son espace est un anti-espace comme le concept
d'identité est un anticoncept. Il ne recouvre aucune réalité objectivable
mais il est fondateur de réalité.
La mobilité que l'on gagne est aussi due au fait que l'action est libérée
du regard. L'individu s'inscrit par son acte, dont le corps conscient
garantit le caractère éthique, dans un espace relationnel universel.
La conscience naît toujours d'une relation, et c'est seulement dans
le contexte d'une dialectique entre le corps et le psychisme que l'unité
conférant l'identité peut être atteinte, l'identité, non plus comme
objet philosophique mais, comme réalité tangible, hors de toute représentation.
C'est l'identité consciente, cette conviction profonde d'être, hors
de tout questionnement ou de toute affirmation quant à soi, qui permet
l'interaction avec la totalité, et donne ainsi accès à la connaissance.
L'identité n'existe que dans la relation et toute relation qui a pour
objet de se trouver, c'est à dire de manifester son identité, est conflictuelle.
L'intégration du conflit fait de la relation corps conscience un système
dialectique qui élimine la dualité interne et donne accès à un monde
relationnel nouveau. Notre pratique nous démontre que cette intégration
est possible dès lors qu'en situation conflictuelle, la conscience est
capable de se diviser entre deux tendances :
s'intérioriser, c'est à dire ne pas extérioriser l'identité et voir
ailleurs, c'est à dire, faire consciemment émerger en soi et donc dans
la relation conflictuelle l'ailleurs, l'autre, un élément de triangulation.
En fait, il s'agit d'équilibrer la conscience entre identité et altérité,
comme l'on équilibre le corps entre le centre (hara ou seika tanden)
et le regard. Dans cet équilibre, l'identité de l'un entre en relation
avec l'identité de l'autre. Toute relation ainsi fondée l'est obligatoirement
sur la reconnaissance de la différence. L'espace conflictuel devient
un espace relationnel dont la constituante fondamentale est éthique
et dont le produit est éthique.
Kobayashi
Hirokazu est mort en août 1998. Il a dispensé un enseignement conforme
à la tradition japonaise en ce qui concerne la méthode. Il a démontré
beaucoup, rarement expliqué et utilisé plus souvent la métaphore que
le discours rationnel. L'enseignement passait par le silence, le corps
et le ressenti. Cependant, il précisa verbalement et très fréquemment
certains points en rapport avec l'éthique de l'aikido :
— L'aikido n'appartient à personne, le fondateur l'a voulu universel
et non pas exclusivement japonais.
— L'aikido n'est en aucun cas un sport mais ne saurait dévier
du budo.
— L'aikido n'est lié à aucune religion, pas plus le shinto, que
le bouddhisme ou qu'Omotokyo et il ne peut, en aucun cas, être une religion.
— Dans l'aikido, on ne se défend pas, on ne prend pas de garde,
on ne regarde pas l'attaque. On ne domine pas, ne
se soumet pas et l'on ne fait pas de compromis.
— La seule stratégie, c'est que le coeur de l'agresseur change
quand il nous touche « aite no kokoro kawaru ». Pour cela, il faut donner
avant de recevoir.
L'aikidoka doit se concentrer avant tout sur deux points : ne jamais
blesser l'attaquant, penser que celui qui attaque fait un appel à l'aide,
une demande d'amour, qu'il utilise le dernier moyen possible, quand
le conflit a coupé toute relation, pour recréer un lien.
— L'aikidoka doit remercier de l'attaque et
accomplir le geste qui fait du bien à tout. Il illustra ce dernier point
à travers les consignes de méditation qu'il donna aux aikidoka :
« Restez concentrés sur l'idée de remercier sans limite, quelles que
soient les pensées et les évènements auxquels elles se rapportent. Dites
arigatai 25 jusqu'à sentir votre corps plein d'énergie,
puis, yoku naru 26 sans limiter ce souhait d'aucune
manière ».
Il avait coutume de dire : « Pour celui qui applique cette règle, dekinai koto wa nashi 27 ». Il a aussi dit très clairement que cet enseignement n'était tiré d'aucune doctrine, qu'il ne se référait à aucun principe ancien. Il venait naturellement du corps de celui qui pratiquait en y mettant son âme. « tamashi wo irete kudasai »28.
Notes
1 L'aikido
est un art martial moderne, créé par Ueshiba Morihei à partir de techniques
provenant de diverses écoles japonaises traditionnelles dont par exemple
: daitoryuaikijutsu, shinkage ryu, kitoryu
2 Les arts martiaux asiatiques
sont souvent basés sur l'observation des animaux aux combats.
3 Meguri
: Ce mot japonais signifie tourner, conduire en cercle.
4 Mot japonais désignant
un point du corps, situé sur l'abdomen, qui est considéré comme le centre
énergétique de l'homme. C'est un emploi relâché que d'utiliser le mot
hara qui signifie ventre. Seika tanden peut
être traduit textuellement par : « le point rouge vermillon ».
5 Shochikubai
: expression cinojaponaise pour dire ume take matsu,
soit le prunier, le bambou, le pin. Ces arbres sont des symboles qu'utilisent
tout aussi bien le confucianisme, le taoïsme, le shinto et le bouddhisme.
Le prunier exprime l'idée du retour des forces vives, du cycle des saisons.
Le bambou signifie l'alternance de la force et de la souplesse, le pin,
la force permanente. On relie le prunier à la terre, le bambou à l'homme,
et le pin au ciel. Cette trinité shochikubai est garante de prospérité
et de bonheur.
6 Wabisabi
: c'est un concept que l'on trouve systématiquement dans l'expression
artistique japonaise. L'expression signifie à la fois patine et rouille.
Elle traduit une esthétique nostalgique.
7 Omotokyo
: textuellement église de la grande origine. Cette secte appartient
à ce que l'on a nommé au Japon les nouvelles religions. Elle a été créée
par Deguchi Onisaburo d'après des révélations
faites par une femme Deguchi Nao qui se disait
inspirée par une divinité du nom de Ushitora no kunjin. La secte, sous
l'impulsion de Deguchi Onisaburo eut des démêlés sérieux avec le gouvernement
japonais. L'attitude fascisante de son leader, les tentatives faites
pour installer par la force une colonie en Mandchourie, la persécution
et l'élimination des adeptes voulant quitter la secte et les attaques
incessantes contre l'empereur suffisent largement à l'expliquer. Après
la deuxième guerre mondiale, Omotokyo fit un grand autodafé et réécrivit
son histoire pour se donner une apparence de respectabilité. Néanmoins,
des écrits tel que «fude no saki » témoigne indubitablement de la vision
ultra nationaliste et sectaire du révérend Deguchi.
8 Norito
: terminologie propre au shinto pour désigner la prière psalmodiée qui
constitue généralement une invocation des divinités (kami ) fondatrices
du Japon.
9 Misogi
: ensemble de gestes rituels accomplis au début du cours d'aikido
10 Influence bouddhiste
? Contrairement à ce qui est souvent dit, Ueshiba Morihei n'avait aucune
affinité avec le bouddhisme en général, pas plus qu'avec le bouddhisme
zen. Cependant, le Japon vit dans une tolérance religieuse totale, et
toutes les pratiques y ont un aspect syncrétique, à tel point que les
temples bouddhistes comprennent des lieux de culte shinto et inversement.
11 Tapis tressé en paille
de riz qui sert de revêtement de sol dans une partie des maisons et
dans le dojo.
12 Le mot satori
appartient au langage du bouddhisme. voir note précédente
13 Mot désignant le pratiquant
d'aikido.
14 textuellement : celui
qui reçoit égal celui qui attaque et inversement.
15 Les points qui soignent
sont les points qui tuent.
16 Takeda
Sokaku fut le maître de l'école Daito. Il enseigna à Ueshiba
Morihei qui tira presque toutes ses techniques de l'aikijutsu de Daito.
L'aikishintaiso est une pratique énergétique
que l'on peut au moins extérieurement comparer au chi-cong chinois et
à certains aspects du yoga. L'aikitaiso est une pratique d'énergie interne
liée à l'aikido dont l'objectif est la santé et le développement de
la conscience par le développement de l'énergie.
17 Nom japonais donné aux
lutteurs de Sumo.
18 Nikyo
: technique d'immobilisation basée sur le principe de contrôler le poignet
en torsion et flexion tout en tractant le coude et l'épaule.
19 Kote
gaeshi : projection s'exécutant en inversant tous les sens d'action
de nikyo sauf la traction destinée à mettre en extension l'épaule et
donc, à déclencher un mouvement du bassin.
20 Budo
: textuellement voie des armes. Les interprétations de ce vocable divisent
les spécialistes. Voir la revue Daruma N°8 édition Philippe Picquier.
21 L'aikido se divise en
trois parties : le sabre dit aikiken, le bâton aikijo et le travail
à mains nues taijutsu
22 kaeshi
waza est un terme qui désigne les techniques de contre. Il fut
très développé dans les écoles traditionnelles puis disparut quasiment
dans certaines et complètement dans celles qui ont opté pour la compétition.
Il s'agit de renverser le sens de l'action en utilisant l'énergie insufflée
par l'autre sans s'opposer ou agir par la force. L'aikido de Kobayashi
Hirokazu a renoué avec l'ancienne tradition du kaeshi et en comprend
un nombre très important. ( plusieurs centaines).
23 Cette ligne est nommée
kensen, soit ligne des sabres. Les partenaires
étant de demi-profil, les pieds dans un angle légèrement inférieur à
quatre vingt dix degrés et placés de manière à créer une sinusoïde,
cette ligne divise l'espace en deux, interne et externe, chacun étant
dirigé à la fois vers l'autre et vers un espace différent.
24 On considère que l'espace
se modifie quand les protagonistes se déplacent puisqu'ils se situent
eux-mêmes dans l'espace et non regardant l'espace. « L'acteur est le
sang de l'espace ». Yoshio Iida. L'acteur flottant acte sud.
25 Arigatai
: textuellement : Je veux remercier.
26 Yoku
naru : que cela devienne le bien ! Que tout s'améliore !
27 dekinai
koto wa nashi : rien n'est impossible
28 tamashi
wo irete kudasai : Mettez-y votre âme.